Marseille : une école va porter le nom de l'ancienne déportée Denise Toros-Marter

Denise Toros-Marter accompagnée de Benoît Payan face à l'hémicycle du conseil municipal de Marseille.

Denise Toros-Marter accompagnée de Benoît Payan face à l'hémicycle du conseil municipal de Marseille.

Photo David Rossi

Marseille

En présence de la survivante d'Auschwitz, âgée de 96 ans, le conseil municipal de Marseille a voté ce matin le nouveau nom de l'école Vallon-Régny. Le maire (DVG) Benoît Payan la longuement rendu hommage à cette témoin infatigable des horreurs des camps de la mort et de la Shoah.

Une école marseillaise portera le nom de Denise Toros-Marter : le conseil municipal de Marseille a voté à l'unanimité, ce matin, la délibération qui donnera le nom de cette rescapée juive du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau à la nouvelle école du Vallon-Régny (9e). Un fait exceptionnel, puisqu'il n'est pas d'usage de baptiser un établissement du nom d'une personne vivante. Denise Toros-Marter, 96 ans, était d'ailleurs présente dans l'hémicycle Bargemon lors du vote.

En choisissant Denise Toros-Marter, Benoît Payan, a souligné son combat pour témoigner auprès des nouvelles générations des horreurs des camps de la mort et de la Shoah où elle a perdu ses parents et sa grand-mère, "vous qui avez survécu et qui avez choisi de parler". "Nommer une école, c’est choisir de quel côté de l’histoire nous voulons nous situer, donner aux petits des exemples de vertu et de courage, a lancé le maire (DVG) de Marseille. Vous vous êtes levée contre le racisme et l’ostracisme qui vise les musulmans, l’antisémitisme dont sont toujours victimes les juifs". "Nous aimons ta puissance, ton humour, ton combat pour la paix partout dans le monde. Tu as fait de moi comme d’autres un homme meilleur", a témoigné Benoît Payan.

Un discours ému et sensible qu'il aurait dû prononcer le 19 mars au centre Judaïcité (6e), où une plaque avait été dévoilée en son hommage par le Fonds social juif unifié. Mais le maire n’avait pas pu participer à la cérémonie, retenu par la visite surprise d’Emmanuel Macron à la Castellane (15e) dans le cadre de l’opération Place nette XXL.

"Si tu t'en sors, raconte"

"Le contact a été fait depuis longtemps avec Monsieur le maire; je ne dirais pas que c’est la première fois mais c’est la meilleure fois!", s'est réjoui avec malice Denise Toros-Marter, avant de retracer, inlassable, les raisons de son combat pour la mémoire: "Que dire après tout ça? Il a tout dit. Il reste pour ma part le témoignage que je dois à mes camarades et à ma famille, qui m’ont dit, avant de passer à la chambre à gaz: 'Si tu t’en sors, raconte'. Et c’est ce que je fais depuis des années." Aussi, avec modestie, elle aurait "souhaité ça ne soit pas personnalisé sur moi-même mais sur l’ensemble des déportés, que ce soit des socialistes, des communistes, des gaullistes, des juifs, des tziganes. Il ne faut oublier personne".

Engagée à gauche, militante communiste après guerre, présidente de l'Amicale des déportés d'Auschwitz Marseille-Provence Denise Toros-Marter n'a pas oublié d'envoyer un message politique, en rappelant que "c'est l’arrivée des négationnistes en 1985 qui a déclenché le témoignage des déportés, internés... c’était en 1985. Sur 76 000 déportés, seulement 3% sont revenus. Les négationnistes niaient l’histoire, ils ont parlé d’un détail de l’histoire, qui nous ont obligés à nous constituer en amicale, a-t-elle dénoncé. Le but principal était de témoigner auprès des jeunes. Je suis parmi les dernières à pouvoir le faire, tous mes camarades ont disparu. Je pense à nos amis les profs qui veulent bien étayer leur programme de troisième et de première, qui me demandent de venir témoigner, ce que je fais avec un grand plaisir de contact avec les jeunes."

"Je remercie Benoît (Payan)", a salué Denise Toros-Marter. Puis, s'adressant à l'ensemble des conseillers municipaux: "Je vous considère comme les transmetteurs de cette mémoire. Vous pourrez dire: 'Nous avons rencontré quelqu’un qui est passé par là et qui a pu témoigner'. Un jour, un rabbin a dit que les rescapés de la Shoah ont le droit de bénir, alors je vous bénis!", a-t-elle conclu dans un éclat de rire.

Le conseil municipal a également voté d'autres dénominations d'écoles : la nouvelle école de la Capelette portera les noms des résistants fusillés et récemment panthéonisés Missak et Mélinée Manouchian; à la Blancarde, il s'agira de la révolutionnaire féministe Olympe de Gouges.